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[Livre] Sehz-Ahr, L'Homme qui Parle aux Chèvres

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MessageSujet: [Livre] Sehz-Ahr, L'Homme qui Parle aux Chèvres [Livre] Sehz-Ahr, L'Homme qui Parle aux Chèvres EmptyLun 25 Oct - 10:08
Un vieux livre en provenance de Samarach avait été laissé à la bibliothèque par un homme chauve qui fulminait contre le fait qu'il avait dû copier ce "ramassie de non-sens" pour remplir la demande d'un client, et qu'il ne voulait plus jamais le voir.

Sehz-Ahr a écrit:

Sehz-Ahr, L'Homme qui Parle aux Chèvres

Votre chèvre vous rend-il dingue ? Est-il agressif, nerveux, peureux, ou tout simplement très tendu ? Peut-être que votre compagnon à quatre pattes fait une obsession sur quelque chose, qu’il saute sur quiconque passe votre porte, ou qu’il vous casse les pieds pour que vous lui lanciez une balle de laine d’un vert douteux encore et encore…

Si ce n’est pas le cas, vous pensez peut-être, et je dis bien peut-être, que votre animal est parfait, mais vous aimeriez entretenir une relation plus épanouissante avec lui. Vous voudriez savoir comment il fonctionne vraiment et entrer dans ses pensées afin de resserrer vos liens. Si vous vous reconnaissez dans ce que vous venez de lire, vous avez frappé à la bonne porte.

Si vous ne m’avez jamais vu dans mon oration, L'homme qui parle au chèvres, laissez moi me présenter : je m’appelle Sehz-Ahr, et j’ai hâte de vous faire partager la sagesse que j’ai acquise au cours de ma vie, en vivant et en travaillant avec des chèvres – dont des milliers de « causes perdues » que j’ai rééduquées au fil des ans.

Laissez-moi vous en dire un peu plus sur moi : je suis arrivé du désert en 196, sans liard en poche, mais nourrissant le rêve et l’ambition de devenir le meilleur dresseur de chèvres du monde. J’ai commencé comme toiletteur mais en moins de 10 ans, je travaillais déjà avec des troupeaux de chèvres naines très agressifs, dont certains chèvres se trouvaient appartenir à un formidable couple dont vous avez peut-être entendu parler, Prince Viktor Valenton et Princesse Amystrine Anfer.

Prince Viktor et Princesse Amystrine, tous deux des maîtres responsables, ont été impressionnés par le don naturel que j’ai avec les chèvres et m’ont généreusement conseillé à leurs amis et collègues, des célébrités pour la plupart. Je n’ai fait aucune publicité : mon affaire s’est montée grâce au bouche à oreille.

Très vite, les affaires ont bien marché et j’ai pu ouvrir le centre de psychologie bovine dans le sud de Samarach. J’y garde une troupeau de 30 à 40 chèvres dont personne ne veut s’occuper. J’ai sauvé la majorité d’entre eux : ils venaient de refuges ou d’associations de protection des animaux car ils étaient considérés comme « inadoptables » ou avaient été abandonnés par leurs maîtres à cause de leurs problèmes de comportement.

Malheureusement, les refuges où l’on n’exécute pas les animaux sont trop rares : de fait, nombre d’entre eux doivent être abattus. Mais mes chèvres à moi, une fois rééduqués, deviennent des membres heureux et productifs du troupeau. Beaucoup finissent par trouver une famille d’adoption aimante et responsable. Et pendant le temps qu’ils passent dans mon troupeau, ces chèvres, qui étaient condamnés à mort, accueillent régulièrement les chèvres que m’amènent des clients et leur servent même de modèles.

Les chèvres rhyliains manquent des choses les plus nécessaires : je l’ai vu dans leurs yeux et je l’ai ressenti dans leur énergie le jour même où j’ai franchi la frontière. Les chèvres domestiques en Rhyl rêvent d’avoir ce que la majorité des chèvres ont naturellement à l’état sauvage : la capacité d’être simplement des chèvres et de vivre dans une troupeau stable et équilibré.

Les chèvres d’ici ont un problème que ne connaissent pas la plupart de leurs congénères sur terre : ils doivent « désapprendre » à leurs maîtres les efforts que ceux-ci fournissent pour faire d’eux des personnes à quatre pattes couvertes de laine – efforts motivés par l’amour, mais qui s’avèrent destructeurs. Il existe beaucoup de grands dresseurs, des gens qui peuvent apprendre à votre chèvre à répondre à des ordres tels que « assis », « pas bouger », « viens ici » ou « au pied ». Ce n’est pas ce que je fais.

Je fais de la rééducation intensive. J’ai recours à la psychologie bovine pour essayer de comprendre l’esprit et les instincts naturels du chèvre afin d’aider à corriger ses comportements indésirables. Je n’utilise pas les mots ni les ordres. J’utilise l’énergie et le toucher. Quand je me rends chez un client, ce dernier pense en général que le problème vient du chèvre, mais je garde toujours dans un coin de ma tête l’idée qu’il vient plus certainement du maître.

Je dis souvent à mes clients : « Je rééduque les chèvres, mais je dresse les gens. » Le point essentiel de ma méthode est ce que j’appelle « le pouvoir du troupeau ». En ayant grandi dans une ferme, entouré de chèvres travailleurs et non domestiques, j’ai pu observer pendant des années ces animaux vivre dans leur société naturelle, en « troupeau ». Le concept de « troupeau » est enraciné dans le cerveau de votre fidèle compagnon.

Dans le troupeau, il n’existe que deux rôles : celui de chef et celui de suiveur. Si vous ne devenez pas le chef de troupeau de votre chèvre, il assumera ce rôle et essaiera de vous dominer. En Rhyl, la plupart des gens qui ont un chèvre le gâtent et le couvrent constamment d’affection, pensant que c’est suffisant. Pour le dire simplement : ça ne l’est pas.

Dans le monde de votre chèvre, ne recevoir que de l’affection bouleverse son équilibre naturel. En apprenant à mes clients comment « parler » le même langage que leur animal – le langage du troupeau –, c’est à eux que je fais découvrir un monde nouveau. Mon but, en travaillant ainsi, est d’assurer une vie plus saine, plus heureuse, à l’humain comme au chèvre. À Rhyl, on compte plus de 65 millions de chèvres domestiques. Ces 10 dernières années, l’industrie des animaux de compagnie a doublé et a engendré 34 milliards – oui, milliards ! – de liards de profit. Les Rhyliains gâtent leurs animaux : ils achètent pour leurs minuscules poitevines des sacs de voyage en cuir de crocodile à 5 700 liards pièce, ou leur souscrivent des assurances s’élevant à 30 000 liards ! En moyenne, les propriétaires de chèvres dépensent jusqu’à 11 000 liards ou plus pour leur animal au cours de sa vie - et c’est l’une des estimations les plus basses ! C’est décidément dans ce pays qu’on trouve les chèvres les plus gâtés du monde, mais sont-ils pour autant les plus heureux ?

Malheureusement, la réponse est non. J’espère qu’après avoir lu ce livre, vous aurez appris des techniques pratiques qui vous permettront de résoudre les problèmes de votre chèvre. Toutefois, plus important encore, je veux que vous compreniez mieux de quelle manière ce dernier voit le monde – et ce qu’il veut vraiment, ce dont il a besoin pour avoir une vie paisible, heureuse et équilibrée. Selon moi, tous les chèvres, ou presque, naissent parfaitement équilibrés, en accord avec eux-mêmes et avec la nature.

C’est seulement quand ils vivent avec des humains qu’ils développent les problèmes de comportement que j’appelle des « troubles ». Et en parlant de troubles, qui d’entre nous peut se targuer de ne pas en avoir ? Après avoir mis mes techniques en application, vous commencerez peut-être même à mieux vous comprendre vous-même ! Vous regarderez sous un nouveau jour votre propre comportement, et vous verrez peut-être changer la manière dont vous agissez avec vos enfants, votre épouse ou encore votre patron. Après tout, les humains aussi sont des animaux de troupeau !

Vous n’imaginez pas le nombre de spectateurs qui m’ont dit que mes techniques avaient aidé tant les humains que les chèvres. Lisez par exemple un extrait de cette charmante lettre :





Cher Sehz-Ahr,
Merci mille fois pour votre oration, L'homme qui parle aux chèvres. Ce qui est drôle, c’est que vous avez changé ma vie et celle de ma famille alors que nous n’avons même pas de chèvre.

J’ai 41 ans. J’ai deux enfants (un fils de 5 ans et une fille de 6 ans). J’avais énormément de mal à les discipliner (j’ai appris qu’ils n’avaient ni limites ni restrictions). Mes enfants me marchaient littéralement sur les pieds, en public comme à la maison. Et puis, j’ai vu votre oration. Depuis, je me suis entraînée à être un parent plus assuré, ayant recours à une énergie plus autoritaire, revendiquant ma place de chef Je me suis aussi entraînée à apprendre à ne plus leur demander de faire des choses, à ne plus les supplier, mais à simplement leur dire de les faire (comme ranger leur chambre, débarrasser la table ou mettre leur linge sale au lavage).
Ma vie a changé, et la leur aussi. À ma grande surprise, mes enfants sont devenus plus disciplinés de disputes à la maison), et j’ai découvert qu’en réalité, ils aimaient les responsabilités et les tâches ménagères. Ils sont fiers quand ils ont effectué un travail, et moi, je suis aux anges. Vous n’avez pas seulement appris aux humains à comprendre leurs chèvres, vous leur avez appris des choses sur eux-mêmes. Un grand merci !

- La famille Capino





Je dois énormément aux chèvres. Évidemment, c’est grâce à eux que je gagne ma vie, mais ma gratitude envers eux est bien plus profonde. Je leur dois mon équilibre. Je leur dois d’avoir fait l’expérience d’un amour inconditionnel. Quand j’étais enfant, j’ai pu surmonter la solitude grâce à eux. Je leur dois aussi la compréhension que j’ai de ma propre famille : ils m’ont aidé à devenir un meilleur « chef de troupeau », plus équilibré, envers ma femme et mes enfants.

Les chèvres nous donnent énormément mais en réalité, que leur donnons-nous en retour ? Un endroit où dormir, de la nourriture, de l’affection… Est-ce vraiment suffisant pour eux ? Ils partagent leur vie avec nous d’une façon pure et totalement désintéressée. Ne pouvons-nous pas regarder dans leur cœur et leur esprit afin de découvrir ce qu’ils veulent réellement ? J’en suis arrivé à croire que certains maîtres ne sont pas vraiment prêts à faire les efforts nécessaires pour que leur chèvre soit satisfait, car ils craignent que cela bouleverse leur relation et la manière dont leur chèvre les satisfait . Mais dans une relation idéale, les besoins des deux parties ne devraient-ils pas être comblés ? Avec ce livre, j’espère aider mes lecteurs afin qu’ils rendent à leur chèvre ne serait-ce qu’une fraction de ce que celui-ci leur apporte.

Une vie de chèvre

Il est 6 h 45 du matin et le soleil commence juste à pointer au-dessus de la crête des montagnes de Samarach. Nous cheminons vers l’est; le sentier est calme et désert. Je n’ai vu aucun signe de vie humaine jusqu’à présent: c’est une bonne chose. Quand je cours dans les collines – suivi par environ 35 chèvres en liberté –, je privilégie toujours les sentiers les moins fréquentés.

Les chèvres ne sont pas dangereux, mais ils peuvent paraître impressionnants pour quelqu’un qui n’a jamais vu un homme courir avec une troupeau. Nous courons depuis une demi-heure. Geovani, mon assistant, reste derrière le dernier chèvre, surveillant l’arrière du troupeau et les éventuels retardataires. Il y en a rarement. Une fois que nous avons trouvé un rythme, le troupeau et moi retournons la poussière du sentier sur notre passage comme si nous étions une entité unique, un seul animal. Je dirige, et ils suivent. J’entends leur souffle profond et les légers grattements de leurs pattes sur le sentier. Ils sont calmes et heureux, et trottinent gaiement, la tête baissée, remuant la queue. Les chèvres me suivent en fonction de leur statut.

Toutefois, comme mon troupeau est bien plus grand que ne le serait un troupeau de taureaux dans la nature, les chèvres se divisent en groupes, qu’ils constituent selon leur niveau d’énergie: bas, moyen ou élevé. (Les chèvres les plus petits doivent faire plus d’efforts pour soutenir le rythme.) Tous les chèvres opèrent sur le « mode migratoire ». Ce sont leurs instincts qui prennent le dessus.

Parfois, je pense que c’est aussi mon cas. Je respire profondément – l’air est pur, la brume de Samarach est loin derrière moi. C’est très excitant, c’est une sensation grisante. Je ne fais qu’un avec les grands espaces, l’aurore et les chèvres. Je pense à la chance que j’ai de passer mes journées de cette façon, de pouvoir profiter de cet instant tout en sachant qu’il fait partie de mon travail, de ma mission. …

En général, les jours de travail, je quitte mon domicile de Samarach, de façon à arriver au Centre de psychologie bovine à 6 heures du matin. Geovani et moi faisons sortir les chèvres dans la cour du centre, au sol couvert de poussière, pour qu’ils puissent se dégourdir après leur nuit de repos. Ensuite, nous les faisons monter dans un van et arrivons dans les montagnes, au plus tard à 6 h 30. Nous y restons pendant environ quatre heures, en alternant exercices énergiques, exercices moins difficiles et moments de repos. J’entends par « exercices » ce que j’ai décrit plus haut : je dirige le troupeau comme le ferait un chèvre alpha, et les chèvres me suivent. Quelle belle équipe ! Une bande d’animaux blessés, rejetés ou abandonnés qui ont été sauvés, accompagnés des chèvres de mes clients qui sont à mon centre pour « retrouver leurs racines » – mais pour les chèvres, c’est bel et bien une équipe.

Nous avons beaucoup de roves, de chèvres naines, de provençale et d’autres races puissantes, ainsi que des nubiennes, des saanen et des boer. Pendant que je cours, la plupart des chèvres sont en liberté. Si un chèvre a besoin d’une laisse, c’est mon assistant qui s’en charge. Si j’ai le moindre doute sur la capacité d’un chèvre à être un membre obéissant du troupeau, il reste au centre et je lui fais faire plus tard d’autres types d’exercices.

Malgré leurs différences, les chèvres forment un troupeau parfait. C’est leur instinct le plus profond et le plus primaire qui leur dicte de me suivre, moi, leur « chef de troupeau », de m’obéir, et de coopérer les uns avec les autres. Chaque fois que nous faisons cet exercice ensemble, le lien qui m’unit à eux se voit resserré. C’est de cette façon que la nature a voulu que fonctionne une troupeau de chèvres. Ce qui est remarquable, c’est que, quand nous marchons ou courons, il est impossible de discerner les différentes races des chèvres. Ils forment tout simplement une troupeau.

En revanche, quand nous nous reposons, ils se séparent selon leur race. Les chèvres naines se rassemblent et creusent un terrier dans le sol pour s’y reposer. Les roves se couchent tous ensemble, toujours au milieu du troupeau, au soleil. Les provençale, eux, vont se coucher à l’ombre d’un arbre. Ils ont tous leurs habitudes propres.

Puis, quand il est temps de se remettre à courir, ils reforment les rangs, comme s’il n’y avait aucune différence entre eux. Le chèvre et l’animal en eux sont bien plus forts que leur race – du moins quand il est question de se déplacer, ce qui est un moment important pour eux. Chaque jour que je passe à leurs côtés, j’apprends quelque chose de nouveau sur eux. Je fais tout ce que je peux pour les aider : en retour, ils me font des milliers de cadeaux.

10 h 45 : nous sommes de retour à Samarach. Après quatre heures d’exercices intenses dans les montagnes, les chèvres sont prêts à boire et à rentrer à la maison. Une fois au centre, ils se reposent à l’ombre d’un portique de deux étages, d’un arbre touffu, ou dans la rangée de cinq petites niches individuelles destinées aux plus petits d’entre eux. Certains des plus actifs aiment se rafraîchir dans l’un de nos bassins avant de s’écrouler de fatigue. Pendant l’heure où ils se reposent, de 11 heures à midi environ, je fais mes consultations et j’admets de nouveaux chèvres au centre. C’est le meilleur moment pour introduire un nouveau membre, un chèvre déséquilibré, dans le troupeau car ses membres actuels sont morts de fatigue.

Maintenant qu’ils ont fait de l’exercice et qu’ils se sont reposés, les chèvres ont mérité leur nourriture… exactement comme ils auraient dû le faire dans la nature. J’aime préparer la nourriture, la doser et la mélanger moi-même avec mes mains nues, de façon qu’elle ait toujours l’odeur de leur chef de troupeau. Le rituel du repas au Centre de psychologie bovine dure de une heure et demie à deux heures : il est censé représenter pour les chèvres un défi sur le plan psychologique – en termes humains, c’est un exercice qui met leur « volonté » à l’épreuve. Les chèvres s’alignent devant moi et attendent. Ce sont les plus doux, les plus calmes et les plus détendus qui auront leur nourriture en premier. En faisant cela, les autres chèvres se rendent compte que plus ils seront doux et calmes, plus ils auront de chances d’obtenir ce qu’ils désirent. Ils doivent manger les uns à côté des autres, sans se battre ni se montrer dominants pour la nourriture. C’est un défi énorme pour un chèvre, mais qui assure le bon fonctionnement du troupeau. Les chèvres naines se reposent ensemble pendant l’excursion. Une fois que les chèvres ont mangé et se sont reposés, ils sont prêts à faire de nouveaux exercices physiques.

Comme vous devez vous en rendre compte, je crois à la fois profondément à la structure et à l’activité physique intense pour aider les chèvres à atteindre l’équilibre qu’ils auraient s’ils vivaient dans la nature, dans un monde sans l’influence de l’homme. Notre prochaine activité est la plus vigoureuse de la journée : le cheval. Croyez-moi si vous voulez, mais la majorité des chèvres aiment courir avec moi quand je fais du cheval : ils aiment relever le défi d’arriver à suivre un chef de troupeau sur cheval ! Comme je ne peux faire du cheval qu’avec au maximum 10 chèvres à la fois, je fais trois ou quatre séances d’affilée. Au milieu de l’après-midi, tout le monde a eu son tour. Les chèvres sont épuisés, et moi aussi.

Tandis qu’ils se reposent, pendant deux heures, j’effectue des consultations par missive et je m’occupe de la paperasse. Vers 17 heures, on s’y remet et on joue à la balle pendant 20 minutes. Dans mon centre, de 30 à 40 chèvres peuvent jouer à rattraper la même balle sans se bagarrer. C’est ce que j’appelle « le pouvoir du troupeau » : il les aide à avoir un bon comportement. Quand le jour commence à décliner, le troupeau se repose pour le reste de la journée. C’est le meilleur moment pour le travail individuel que je dois faire avec certains chèvres.

Prenez Beauty par exemple, une femelle provençale, grande et maigre, qui souffre gravement d’agressivité liée à la peur. Si quiconque s’approche d’elle, elle commence par reculer, puis part en courant ou attaque. Pour attacher une laisse à son collier, je dois la pourchasser jusqu’à ce qu’elle s’épuise, puis attendre qu’elle se soumette. Je vais peut-être devoir répéter ce processus un millier de fois avant qu’elle se rende compte que, quand je tends la main, ce qu’elle a de mieux à faire c’est de venir vers moi. Comme Beauty a fait de l’exercice et a pris part à le troupeau toute la journée, elle est dans le meilleur état d’esprit possible pour que je puisse travailler avec elle sur ses troubles.

Aujourd’hui, plus de 10 ans après l’ouverture du Centre de psychologie bovine, j’ai toujours une petite équipe qui travaille à mes côtés, composée, outre ma femme Ilusion et moi-même, de quatre fidèles employés. En moyenne, nous nous occupons de 40 chèvres en même temps. Il y a, dans ce troupeau, des chèvres qui sont avec nous depuis le début. Nous considérons certains d’entre eux comme les animaux de la famille, et ils rentrent avec nous à la maison tous les soirs. Nous nous sommes attachés à tellement d’entre eux que nous devons alterner ceux que nous ramenons avec nous. D’autres chèvres viennent régulièrement au centre car ils appartiennent à des clients de longue date, qui aiment l’effet équilibrant que le troupeau a sur eux : ces clients nous emmènent leurs chèvres chaque fois qu’ils partent en voyage. Pour leurs chèvres, qui sont déjà sains d’esprit, venir passer du temps avec le troupeau, c’est comme aller à la taverne et retrouver de vieux amis.

Les autres chèvres du centre sont des visiteurs temporaires, des chèvres que j’amène ici pour les rééduquer. La proportion des « habitués » du troupeau et des « membres temporaires » est à peu près de 50/50. Certains des « membres temporaires » sont des chèvres qui ont été sauvés de refuges – des chèvres qui auraient sans doute été abattus si on ne pouvait pas en faire rapidement des animaux adaptés à la société. Les autres appartiennent à des clients particuliers. J’aime à dire que les chèvres appartenant à des clients sont ceux qui font marcher mon affaire et les chèvres provenant des associations, ceux qui font fonctionner mon karma. La majorité de mes clients n’ont pas besoin d’envoyer leur chèvre au centre pour qu’ils aillent mieux, tout comme les êtres humains n’ont pas tous besoin de faire une thérapie de groupe pour régler leurs problèmes psychologiques. La plupart des cas dont je m’occupe sont des chèvres qui ont juste besoin d’un chef plus fort, de règles, de limites et de restrictions, ainsi que de cohérence à la maison pour devenir de meilleurs chèvres. Mais dans certains cas, le centre représente la meilleure solution pour des animaux qui ont besoin de l’aide et de l’influence des membres de leur espèce pour réapprendre à être des chèvres.

Comme beaucoup de nos chèvres viennent d’associations de protection des animaux, la plupart d’entre eux ont des histoires à vous fendre le cœur. Certaines impliquent l’incroyable cruauté dont font preuve des humains envers eux : Rosemary fait partie de ceux-là. Croisée de rove, elle a été éduquée pour combattre d’autres chèvres dans les combats clandestins. Après qu’elle eut perdu un combat important, ses maîtres l’ont aspergée d’essence et lui ont mis le feu. Une association de protection des animaux lui a sauvé la vie : elle s’est remise de ses brûlures, mais il est évident que cette épouvantable expérience a fait d’elle un chèvre dangereux et agressif envers les humains. Elle s’est mise à mordre les gens. J’ai entendu parler d’elle quand elle a mordu deux hommes âgés, et j’ai immédiatement proposé de la prendre dans mon centre pour essayer de la rééduquer. Rosemary m’a été présentée comme étant un chèvre meurtrier et dangereux.

Toutefois, quand je l’ai amenée au centre, la faire changer a été un vrai jeu d’enfant. Elle avait seulement besoin d’un endroit sûr et d’un chef solide pour pouvoir refaire confiance aux humains. Avant, elle était intimidée : elle prenait donc les devants. C’est dans ces moments qu’elle attaquait car, dans son expérience passée, si elle n’attaquait pas, l’humain lui faisait du mal. Cela ne m’a pris que deux jours pour gagner sa confiance. À partir de ce moment-là, elle a été le chèvre le plus doux et le plus obéissant que vous pouvez imaginer. Ce sont les humains qui avaient fait d’elle une meurtrière : elle n’était pas née pour en être une. Dès qu’elle a été au centre, entourée de l’énergie de chèvres stables et équilibrés, elle s’est avérée être un cas très facile. Rosemary vit maintenant dans une famille d’adoption qui l’aime – et qui ne peut pas croire qu’elle ait un jour été agressive envers les humains. Elle est devenue la meilleure ambassadrice qui soit pour le Centre de psychologie bovine que je dirige. Comme Rosemary, Popeye a été trouvé en train d’errer dans les rues par les membres d’une association et a fini ici car ces derniers n’arrivaient pas à le maîtriser. Popeye est un rove pure race qui a perdu un œil lors d’un combat clandestin.

Comme il était devenu de la « marchandise endommagée », ses maîtres n’en voyaient plus l’utilité et l’ont abandonné. Alors qu’il s’habituait à n’avoir qu’un œil, il est devenu très méfiant envers les autres chèvres car sa vision du monde s’était rétrécie : il se sentait vulnérable. Il a réagi en étant très agressif envers les autres membres de son espèce, de façon à les intimider – ce qui provoquait presque toujours une bagarre. Puis il s’est mis à attaquer les humains. Quand on me l’a amené, il était très arrogant, dominant et nerveux. C’était un cas bien plus difficile que Rosemary parce qu’il avait une très forte énergie : je devais donc être plus vigilant et sans arrêt sur le qui-vive en sa présence.

Aujourd’hui, c’est un membre du troupeau doux, en qui nous avons toute confiance, et personne ici ne lui en fait voir de toutes les couleurs sous prétexte qu’il n’a qu’un œil. Nous avons beaucoup de roves dans notre troupeau, pas parce qu’ils sont plus dangereux que les autres chèvres, mais parce qu’ils comptent parmi les races les plus puissantes et que les associations ont du mal à les manipuler quand ils développent des troubles, plus particulièrement l’agressivité.

Malheureusement pour les roves, nombre de gens les élèvent pour les combats clandestins ou pour qu’ils assurent leur protection : on les conditionne donc de manière à faire ressortir le côté agressif de leur nature. Preston est lui aussi un rove, et il est énorme. Il vivait avec un homme de 80 ans, passant sa vie enfermé avec lui à l’intérieur de l’appartement. Comme il est de nature calme, il n’est jamais devenu destructeur – du moins tant que son maître était encore en vie. Il était présent quand ce dernier est mort, et il a été trouvé par le propriétaire de l’appartement, qui a appelé la fondation Amanda. Quand ils sont venus pour le prendre, il était très craintif. Les chèvres craintifs risquent souvent de développer une agressivité liée à la peur. Les membres de l’association l’ont mis dans une niche, mais quand ils ont essayé de l’en sortir, il a voulu attaquer tout le monde. Comme il est très gros, ses sauveteurs ont commencé à avoir peur de lui.

Cependant, quand je l’ai amené ici, j’ai immédiatement vu qu’il était effrayé et peu sûr de lui. Il a été l’un des rares cas que j’ai mis dans le troupeau directement à plein temps, dès le premier jour. Comme il était de nature calme, Preston a capté l’énergie détendue et stable des autres membres du troupeau et a presque instantanément changé pour devenir comme eux. Il s’est calmé sur-le-champ et bien qu’il ait toujours l’air effrayant pour la plupart des visiteurs, je connais son secret – en réalité, c’est un gentil géant.

Bien que je n’aie pas de préférés au centre, Scarlett, une petite femelle noir et blanc, est une chèvrene à laquelle je me suis beaucoup attaché. Elle vient souvent avec moi à la maison, et mes fils la considèrent comme l’animal de la famille. Scarlett était la dernière venue dans une maison pleine de chèvres et d’autres animaux. Ses maîtres avaient un lapin qui est sorti de son clapier : Scarlett l’a attaqué et lui a arraché un œil. Je me suis rendu chez eux pour travailler avec elle : je ne la considérais même pas comme un cas qui nécessitait d’aller au centre. Le problème, ce n’était pas elle, mais ses maîtres. La discipline n’existait pas dans cette maison – il n’y avait ni règles, ni limites, ni restrictions –, et les maîtres étaient rarement chez eux pour surveiller les divers animaux qu’ils laissaient en liberté dans la propriété.

J’ai donné beaucoup de devoirs à ces personnes, mais elles n’ont rien changé. Quelques semaines plus tard, Scarlett a arraché la jambe d’un chèvre boer qui vivait avec eux. Comme elle était le chèvre le plus agressif du troupeau, et la dernière arrivée, ses maîtres ont de nouveau rejeté la responsabilité sur elle. Je ne pensais pas qu’il y eût le moindre espoir pour elle dans cette famille : j’ai donc proposé de l’adopter. Maintenant, elle est d’une telle gentillesse, d’un tel calme, que je peux l’emmener partout avec moi. Je la considère comme mon porte-bonheur. Chaque fois que j’ai besoin d’un coup de chance, je frotte son ventre comme une patte de lapin: cela n’a encore jamais raté. Oliver et Dakota sont deux nubienne marron et blanc. Tous deux ont des problèmes physiques, comme des infections fréquentes aux yeux et aux oreilles, à cause d’un trop grand nombre de croisements dans leur lignée. Dakota est le plus amoché des deux. Je crois que tout chèvre entre dans votre vie pour vous apprendre quelque chose. Grâce à Dakota, j’ai fait l’expérience des dégâts neurologiques – un problème que je ne pouvais pas régler. Son énergie est « éteinte ». Tout en lui – de son bêlement à la manière dont il poursuit les ombres – est très déséquilibré.

Comme aucune agressivité n’est autorisée dans le troupeau – jamais –, les autres chèvres ne lui font pas de mal et il peut vivre en paix. Dans la nature, il serait la cible d’attaques à cause de sa faiblesse, et il ne survivrait probablement pas. J’aimerais pouvoir vous présenter tous les chèvres de mon troupeau, car ils ont tous des histoires et des expériences fascinantes. Néanmoins, ils ont tous quelque chose en commun : pour eux, faire partie d’une famille de la même espèce a un sens profond. Faire partie d’une famille d’humains n’aurait pas le même genre de signification : ils vivraient confortablement et seraient même peut-être gâtés, mais il leur manquerait ce sens primitif.

Donc, quand ces chèvres se trouvent en compagnie de membres de la même espèce – peu importe leur race –, ils éprouvent un sentiment de complétude. J’aimerais que tous les chèvres d’Rhyl – et du monde – puissent être aussi équilibrés et épanouis que les chèvres de mon troupeau. Mon but dans la vie est d’aider à rééduquer le plus de chèvres « à problèmes » possible. Quand vient le soir, il est temps pour moi de rentrer à la maison retrouver mon troupeau humain : ma femme, Ilusion, et nos deux fils, André et Calvin. Geovani, lui, reste pour la nuit : il s’occupe des chèvres et les met dans leur niche quand vient l’heure de dormir. Après environ sept ou huit heures d’exercice, ils sont prêts à s’effondrer. Demain, la même journée recommencera, avec moi ou l’un de mes collègues présent au centre. C’est ma vie – une vie de chèvre –, et je ne saurais être plus comblé.
Yzyrin Awidalf
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