RHYL : Serveur RP pour Ultima Online

Rhyl est un serveur gratuit et francophone dédié au jeu de rôle en ligne.
 
-45%
Le deal à ne pas rater :
WHIRLPOOL OWFC3C26X – Lave-vaisselle pose libre 14 couverts – ...
339 € 622 €
Voir le deal

Partagez

Sept histoires pour un nom à Sept lettres

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas
MessageSujet: Sept histoires pour un nom à Sept lettres Sept histoires pour un nom à Sept lettres EmptyMer 29 Sep - 16:22
Les Fleurs du Septuaire
Parce que « c’est le bouquet » ne veut pas toujours dire ce qu’on croit.



Sept histoires pour un nom à Sept lettres Fleurs10



Son arrivée au septuaire avait été sans remous. Une prêtresse avenante et amène l’avait accueillie. Son nom lui échappait déjà. Avec les autres ouailles du sanctuaire des Sept, la femme s’était confondue, son nom perdu pour avoir été au fond sans valeur.

Les salles s’étaient succédées, en ordre d’importance : de la chapelle des Sept aux archives, du réfectoire aux jardins, des ateliers aux entrepôts, et puis les dortoirs enfin. À l’image du Dieu aux Sept visages, le Septuaire présentait sept figures disparates mais complémentaires aux novices qui l’intégraient.

La prêtresse des Sept qui avait guidé l’enfant jusqu’à sa cellule l’avait laissée là, dans la pièce spartiate, avec ses quelques bagages. Un lit et un modeste pupitre constituaient le seul mobilier de la chambre monastique exiguë où l’enfant passerait ses années formatrices. Le lieu, propice aux méditations, aux prières et à l’écriture, trois des principales activités du Septuaire, peinait à contenir l’énergie et l’imaginaire de l’enfant, qui n’était en mal ni de l’un ni de l’autre.

Pour les membres de sa lignée, l’existence monastique et contemplative était improbable. Et pourtant, son père avait vu en elle la Vocation et le potentiel de défendre la cause du Dieu pluriel. De son verbe haut, Sigmund avait peint un chemin glorieux sous la bannière de l’étoile à Sept branches, une vie riche unifiant le temporel et le spirituel, la promesse d’un avenir grandiose et d’une éducation que les campagnes ne donneraient pas. Lorsque son père lui avait dit ensuite qu’elle s’en irait au Septuaire, elle avait été enthousiasmée, se voyant déjà suivre la voie des pères de ses pères, de pionniers et de dévots. Mais devant la réalité du lieu, et son austérité, ces rêveries de splendeur et de gloire s’étiolaient comme une peau de chagrin.

L’enfant, en mal de repères, prit le chemin des jardins. Fille des campagnes, elle s’en allait vers la verdure comme l’animal égaré qui cherche à retourner vers son foyer. Dans les allées en fleur, elle promenait sa mélancolie. Le souvenir omniprésent des terres de Sarsbois, et surtout de sa famille, l’enveloppait. Elle gardait le nez vers les grasses plates-bandes pour contenir des larmes qu’il aurait fait mauvais de verser. Son père, son grand-père, ses ainés, comptaient tous sur elle pour les rendre fiers, et cette pensée servait de rempart aux pensées indignes qui traversaient son esprit. Celles de vouloir regagner la sûreté de son foyer, de sa bruyante fratrie, à pied s’il le fallait et au grand galop si elle le pouvait.

Alors à défaut de pouvoir prendre la clef des champs, de s’évader de cette vocation qui échouait sur ses chétives épaules d’enfant, elle se pencha plutôt pour cueillir une branche tombée. Celle d’un chêne solide et splendide qui faisait porter son ombre sur tout un pan de la cour, un arbre qu’elle savait symbole de force. La branche portait des feuilles jaunes, aux couleurs d’automne venues prématurément. L’enfant éleva le nez vers l’arbre séculaire, et eut une pensée pour son grand-père, l’aïeul de la famille. Passé les cinquante ans, Stokbarne avait encore la vaillance d’un homme de la moitié de son âge, même si certains voisins le raillaient que ses réserves de patience avaient été épuisées en ses jeunes années et que du haut de son âge vénérable il ne lui en restait guère plus. Il n’en restait pas moins égal à l’Aïeul, guide familial par sa prestance et sa sagesse.

À l’ombre du grand chêne, un autre arbre solide avait grandi. C’était un pommier, déjà bien chargé de fruits mais aussi de fleurs. Solide lui aussi, il n’avait guère souffert de l’ombre que le chêne faisait peser sur lui tout au contraire. Son feuillage semblait s’épanouir plus largement encore que l’arbre qui le surplombait, et il transfigurait la lumière qu’il ramassait par son feuillage en une manne improbable. La petite cassa délicatement une petite branche fleurie du pommier, pour la joindre à son bouquet, avec une pensée pour son père Sigmund. Même si lui aussi avait poussé sur les racines de ses ancêtres, il avait été apte à tirer du ciel et de la terre sa fortune, de créer autour de lui abondance et prospérité. Il emplissait le ventre des siens mais aussi se trouvait apte à les nourrir de connaissance. À l’image du Père, ferme mais juste avec les siens, bons avec les méritants et sans merci avec les autres.

Non loin de ces arbres majestueux poussait un lilas blanc, aux fleurs délicates en grappes rapprochées et chargées qui faisaient ployer ses branches. Le cœur de l’enfant se serra, et elle eut une pensée pour sa défunte mère. Eilen avait aimé cette fleur de son vivant lui avait-on dit. Comme le lilas, elle avait été d’une fécondité débordante qui traduisait un amour maternel sans bornes, une dévotion absolue d’épouse. Son corps avait cédé avant sa volonté, et c’était en couches que son âme avait rejoint les Sept. Elle ne pouvait que se fondre dans l’aspect de la Mère, qu’elle avait parfaitement incarné de son vivant. Une branche du lilas blanc vint rejoindre le modeste bouquet.

Non loin, un autre arbuste élevait ses branches vers le ciel. Un laurier. Les plus grands comme les plus modestes estimaient cette plante, qui ceignait le front des seigneurs triomphants, garnissait les étagères des médecins comme des bonnes mères de famille. Versatile, non point arbre encore mais presque, dont l’essence se liait tant à la victoire martiale qu’au bien-être du foyer, il évoquait pour l’enfant son frère ainé, leur ainé à tous, Siegwulf. Celui qui, attendant de devenir père à son tour et d’hériter du rôle de chef de famille, endossait le mantel du guerrier. En somme, il était la quintessence de l’aspect du Fils, devant prêcher par l’exemple pour être le premier-né. Une branche de laurier fragrante se greffa au reste du bouquet.

L’enfant prit ensuite le chemin des jardins floraux.

Des lys blancs splendides se dressaient en évidence. Altiers, garants d’une noblesse et d’une indéniable pureté, ils évoquèrent à l’enfant sa sœur Sigrid. Sur elle, de hautes attentes reposaient : son corps avait appris à faire face aux rudesses de la vie et des entrainements, son esprit, aux perspectives qui l’attendaient comme instrument des alliances de sa famille et au devoir d’irréprochabilité qui en découlait. Protectrice à la fois de valeurs ancestrales et de son sang, elle devenait bouclier véritable face à qui voudrait s’y attaquer. Elle était à l’image de l’aspect de la Fille, belle et terrible. L’enfant ne manqua pas d’en cueillir un pour l’ajouter à son bouquet.

Plus loin dans les allées, elle repéra les fleurs immaculées et pures du nasturtium, une plante emportée de Hyterhyl par les pionniers conquérants qui avaient bravé les mers farouches. Ceux et celles qui avaient près du cœur le souvenir de leurs origines en portaient en leurs cheveux et en garnissaient leurs poches les jours de fête. L’enfant se pencha pour en cueillir une tige fleurie, avec une pensée pour son oncle Ulrich, le patriote, le meneur d’hommes, le guerrier.

Une amaryllis écarlate, une seule, poussait seule au milieu des jardins. L’enfant jaugea par-dessus son épaule avant de s’en emparer. Cette fleur éblouissante était symbole de fierté. L’hommage à son cousin Zak n’était que trop flagrant, lui dont la fierté pour sa naissance et son sang s’élevait presque au rang de vanité. Dans le bouquet tout de vert et de blanc, elle mettait une touche sanglante.

La cascade rose que formait les fleurs de l’acanthe attira ensuite l’attention de l’enfant, qui vint la cueillir pour la joindre au bouquet. C’était une fleur peu commune et en ce sens, remarquable. Elle enflammait l’imaginaire et pour cela, elle lui rappelait Herman, qui savait faire une chanson d’un rien. Pensant à ceci elle sourit : voilà que l’artiste devenait muse.

L’enfant rajouta une potentille au bouquet. La fleur jaune se détachait des autres, flamboyante. Elle lui rappelait Albéric, qui lui aussi cherchait à se distinguer et pourtant cherchait autant sa place parmi ses frères et ses cousins. Dans la même foulée, l’enfant cueillit un Sceau de Salomon, de ces fleurs blanches dissimulées sous de larges feuilles en grappes. Leur discrétion était égale à celle de Günther. Puis elle vint ensuite cueillir un asphodèle, la fleur des nostalgiques de temps meilleurs et plus glorieux, comme l’était son frère Friedrich. Pensant à ses cousins Penzher et Sven, elle cueillit un peu de sauge, gage de bonne santé comme de force.

Toutes ces fleurs-là évoquaient autant d’aspect du Fils, de déclinaisons du courage et de la vaillance, de l’avidité de faire ses preuves et de grandir.

Devant un parterre de lychnis, l’enfant cueillit une fleur. Elles étaient symbole de fidélité. À l’égal de Soren, dont la loyauté à ses valeurs étaient inflexibles. Certaines de ces fleurs avaient perdu des pétales, sous l’effet de vents contraires. Qu’adviendrait-il de Soren, lorsque pareils vents souffleraient, et que les valeurs dont il répondait entreraient en conflit les unes avec les autres? Tout dépendrait de ce qu’il créerait, et ainsi à sa manière il évoquait l’image de l’Oncle.

Puis la jouvencelle cueillit une Tamaris, qui lui rappelait sa tante Phyria, cette femme qui avait rêvé, enfant, de prendre les chemins de la guerre et qui pourtant, avait été rattrappée par sa vocation de mère. En une voie comme l'autre, elle était ce qu'elle avait aspiré être : une protectrice.

Enfin, l’enfant vint cueillir du bout des doigts, presque avec dédain, un chardon. C’était une mauvaise herbe, et la représentation de l’étranger qui, par la force des choses faisait partie des Sept car l’horreur, l’infâme et la mort existaient encore en ce bas-monde. Les six autres aspects des Sept le tenaient en respect. L’enfant prit soin d’entourer la vilaine tige des fleurs flagrante, afin de ne pas toucher ses sucs infamants, ni se piquer les doigts.

Chargée d’une pleine brassée végétale, l’enfant remonta vers sa monastique cellule.

Lorsque le jour vint à décliner, un prêtre en charge de la discipline et du bon ordre se présenta à la chambre de l’enfant. Le septuaire était un monde à part, et la moindre excentricité faisait courir les rumeurs, qui avaient tôt fait de galoper jusqu’aux autorités. Même parmi ceux qui avaient abandonné la vie publique au profit d’une existence spirituelle, les intrigues et les jeux de pouvoir se perpétuaient.
Il la trouva déjà attelée à la transcription d’un ouvrage pieux trouvé dans les archives. Un exercice commun pour les novices, qui imprimait comme au fer rouge dans les esprits jeunes et malléables les savoirs et les prières. Elle avait entrepris la tâche avant qu’on le lui demande, s’épargnant les coutumières récriminations qui ne manquaient pas de pleuvoir sur les nouveaux venus. Le prêtre pesta intérieurement, de devoir repenser sa harangue, et de la savoir préparée. Les artifices et les décorations n’en restaient pas moins interdits, pour être jugés distrayants, ainsi le prêtre des Sept se raccrocha à cette idée.

« Qu’est-ce que ceci? », vint-il dire, l’air austère, prêt à écraser sitôt toute velléité de rébellion, de caprice vaniteux, de lubie d’enfant.

Avec un flegme appris de son père, qu’on l’avait exhorté à pratiquer et à afficher, l’enfant répliqua.

« Une prière, estimé prêtre. »


Un sourcillement invita l’enfant à élaborer. Et ainsi, elle expliqua la raison de chaque fleur, leur lien inaltérable à la Famille, qui par extension était un lien inaltérable aux Sept. Les traits du septon se plissèrent, en un mélange de surprise et d’une touche de frustration. Il ne pouvait lui donner tort, et devait concéder la victoire, dut-elle être rhétorique.

Au lendemain, les autres novices qui avaient espéré tirer leur épingle du jeu de par leur délation se trouvèrent bien marris.

Les mains tachées d’encre et déjà remise à l’écriture, la cadette des Strauss était installée à l’ombre de l’immense arrangement floral, sa cellule envahie de parfums et habitée de couleurs disparates. De ce patronyme, évoquant le « bouquet », elle s’était montrée digne.
Sydonia Strauss
Sydonia Strauss


Messages : 223
Date d'inscription : 21/09/2021


Sept histoires pour un nom à Sept lettres Empty
MessageSujet: Re: Sept histoires pour un nom à Sept lettres Sept histoires pour un nom à Sept lettres EmptyMer 29 Sep - 16:41
Le Temps des Moissons
Car on récolte toujours ce que l’on sème…


Sept histoires pour un nom à Sept lettres Sarsbo10


L’adolescente avait lancé son cheval au trot sur le chemin, ce qui imposait à la prêtresse qui la suivait de ne pas trop traîner de la patte. À son grand dam. Les campagnes piémontaises étaient pourtant plaisantes. L’automne enflammait la ramée de couleurs remarquables, couronnant les arbres de cuivre et d’or. Mais pour la prêtresse, (ènième) fille d’une famille aristocratique à qui le pécule faisait défaut pour couvrir une dot de plus, ce périple destiné à dispenser des bénédictions dans l’arrière-pays pour le temps des récoltes tenait de la punition. Tandis que sa pupille s’extasiait sur la splendeur des champs de blé mur, le charme de chaque masure, le ciel et la mer qui se confondait en leurs bleus et leurs gris, la prêtresse des Sept se répandait en silencieuses prières pour que le voyage ne dure. L’une et l’autre confrontaient la même réalité. L’une dans l’horreur, l’autre dans la liesse : le sang faisait le sort.

Elles s’arrêtaient ensemble dans les fermes, offrant aux familles même les plus modestes leurs services, du Bouclier jusqu’à Dourivage. Les récoltes rentrées, les paysans trouvaient un instant pour les dévotions, et le clergé des Sept profitait de ces instants de répit pour rappeler l’importance de la foi aux petites gens. L’un des devoirs du clergé des Sept était d’épargner au petit peuple de tomber dans une impiété tentatrice, qu’elle soit faite des superstitions druidiques claniques, du nihilisme levantais ou de l’indolence amorale khazare jugée décadente. La prêtresse performait les rites, et la novice avait pour vocation d’apprendre et d’intérioriser ses pratiques. Dans une même journée, la prêtresse des Sept performait des cérémonies de mariage comme des baptêmes, des bénédictions de maisonnées ou des terres arables, ou encore des obsèques pour les familles qui avaient perdu des âmes à cause des raids levantais, d’accidents, de maladies, ou simplement par la faute de l’implacable temps. Et parfois, il leur fallait passer du temps à justifier le dessein impénétrable des Sept pour des enjeux dont les grands et mêmes les petits seigneurs n’avaient cure, trouver de métaphysiques explications pour chaque vache égarée ou chaque averse inopportune pour ceux chez qui ces événements faisaient vaciller la flamme de la foi envers le divin ou envers l’autorité de l'Empereur et de ses seigneurs.

Si la prêtresse cauchemardait sur l’idée de salir l’immaculé de sa robe à la poussière des chemins et à la bourbe campagnarde, la novice s’émouvait de retrouver la familiarité de la terre qui l’avait vu grandir. La première préférait s’imaginer devenir gouvernante d’une opulente famille seigneuriale, voire même officiante de la maison Hermett au Grand Temple. Sa cadette avait des rêves fort différents.

Une soudaine odeur rance les souffleta toutes deux. La prêtresse verdit tant qu’elle sembla se trouver apparentée aux herbes folles qui bordaient le chemin. L’autre se para d’un grand sourire, ne semblant guère incommodée de la vilaine odeur. Des enclos boueux ou s’ébattaient des sangliers domestiqués, et des bannières d’un orange délavé accueillaient les visiteuses de ce terrain fermier. Point de splendide temple immaculé comme à Valcoeur ne les attendait. Non, au contraire, sur le terrain campagnard sembla s’élever un mur de poussières. Le cheval de la prêtresse hennit, tandis que le grondement des sabots ronflait déjà. Un mur de cavaliers était en approche. Le patriarche Stokbarne tenait à la discipline de sa maisonnée, ses fils, et ses petits-enfants, même les plus jeunes, s’étaient juchés sur un destrier pour accueillir la délégation cléricale dans ce qu’ils estimaient être une grande pompe. Mais la vue de la cavalerie paysanne qui venait à sa rencontre avait rendu la prêtresse plus verte encore que les effluves nauséabonds. Elle ouvrit la bouche pour inviter la novice à la prudence : sur certaines terres, même celles qui étaient dites civilisées comme le Piémont, la piété se perdait. Les aumônes perçues par les cléricaux qui parcouraient les terres pouvaient tenter les va-nu pieds campagnards. Il suffisait de peu pour que tout bascule. Après tout, les ventres creux avaient rarement d’oreille pour la raison et la foi. Mais c’était trop tard. L’adolescente avait éperonné sa bête pour la lancer à bride abattue vers la cavalerie, qu’elle reconnaissait trop bien. La prêtresse des Sept n’avait d’autre choix que de suivre.

Les jeunes gens eurent des effusions et exclamations bruyantes, coupées court par des regards de reproches de leurs ainés. Le patriarche s’adressa à la prêtresse, et ils échangèrent les plaisanteries d’usage. Au-delà des banalités, leurs paroles répondaient de codes séculaires, venus tout droit de l’antique péninsule d’Herctombe. Les premières de la prêtresse se devaient être une bénédiction, pour cette foule bigarrée qui venait l’accueillir. Elle invita pourtant la novice à les dire la première, sentant peut-être son empressement, voulant peut-être se débarrasser de la tâche, mais plus vraisemblablement, espérant sans doute mettre à l’épreuve l’adolescente qui, avec un peu de chance, lui reprendrait le flambeau ingrat des tournées campagnardes.

« Que le Père garde votre cœur juste et droit,
L’Aieul offre sa sagesse à l’heure des choix,
Le Fils vous offre vaillance au combat,
La Mère pourvoie l’abondance qu’il faudra,
La Fille concède amour, inspiration et joies.
L’Oncle donnera idées et force à vos bras
Et que l’Étranger ne vous emboite le pas. »


Le patriarche répondit à cette litanie en sept vers, d’une voix calme semblant bourrue pour qui n’avait pas coutume de l’entendre.

« Des Sept, nous suivrons toujours la Voie. »

Les autres lui firent écho. La prêtresse sembla les jauger : comprenaient-ils tous l’essence de cet engagement? Elle n’eut pas le temps de s’interroger longtemps. Il fallait bénir les champs dont le fruit avait été récolté, les enclos qui lui retournaient l’estomac, et une petite chapelle qui avait été élevé dans une soupente de la maisonnée trop pleine.

Certains cléricaux plus rigoristes auraient imposé d’y entasser tout le monde pour y célébrer une messe suffocante que tout le monde n’aurait été que trop pressé de voir finir. Ce genre de messe qui forcerait l’assistance à répéter des prières sans rien n’en comprendre et à combattre le sommeil. La jouvencelle fit une suggestion qui tira un soupir de soulagement tant à sa mentore qu’à de nombreux membres de sa famille.

« Nous pourrions peut-être nous installer près de la grève, pour échanger sur l’année passée et celle à venir? »

Ces « réflexions » étaient communes au sein du clergé : parmi les théologiens les plus affirmés, c’était une façon de prouver la hauteur d’idées, parmi les gens du commun, c’était une façon de prouver devant le clergé la solidité de sa foi et son acuité. C’était une autre tradition, celle du Conclave, rendant hommage aux anciennes agoras d’Hytheryl, où se livraient de farouches débats théologiques. Des légendes en étaient nées : celles de petites gens vertueuses que le clergé avait aidé à s’élever devant les plus hautes instances de ce continent et de l’autre. Cette coutume permettait également aux novices de faire leurs preuves, en menant des débats d’idée avant de pouvoir mener à bien des rituels.

Ainsi, l’assemblée gagna la rive. De la bière, du pain, des charcuteries qu’on aurait dit manifestées spontanément avaient été déballées avant que les premières fesses ne se posent : hospitalité obligée envers les visiteurs dignes de ce nom. L’air salin venu du large semblait permettre à la prêtresse de respirer. La prêtresse s’installa la première sur une souche. Puis, les membres de la famille suivirent son exemple, en ordre d’ainesse. Seule la novice resta debout. L’occasion était à l’échange, la communion. Le repas qui s’improvisait aidait à la détente, et la bière achevait de délier les langues. Une seule question fut posée :

« Comment, en cet an qui fut et en celui qui sera, ferez-vous pour porter en vous les Sept aspects du Dieu? »

Il revenait à chaque membre de la famille, des anciens aux jeunôts, d’expliquer les liens évidents qui les liaient au Dieu, mais également ceux plus obscurs avec d’autres aspects. Garder son flegme en écoutant certains de ses frères les plus acariâtres parler de leur lien avec la Fille était une petite épreuve en soi. Dans le débat, quant au bien fondé de ces comparaisons, la prêtresse et la novice prenaient un rôle plus secondaire : leur but, celui de lier les hommes à leur dieu, était atteint. On reconnaissait pourtant dans ce lien la rudesse des campagnes, une foi qui s’exprimait dans la violence et l’intensité. Du respect pour l’aspect de l’Étranger qui passait par une lutte ardente contre la nécromancie : les morts étaient rendus à Dieu et les ramener à la vie ne pouvait que le courroucer. Des hommages à la Mère qui passaient par l’inflexible fidélité à la famille et ceux à la Fille qui prenaient vie dans les promesses de trouver une épouse qui ne fusse ni une délurée khazare ni une barbare des clans, et autant de vœux d’amour familial. Les grâces aux Père qui passaient par la justice campagnarde, qui imposait le repentir dans les larmes et dans le sang pour qui disgracierait sa famille et ses causes. L’ode au Fils qui se faisait en repoussant à la mer les odieux levantais. Et pour rendre grâce à l’Oncle, le patriarche Stokbarne s’était levé, appuyé sur son bâton et avait désigné d’un geste circulaire l’étendue des fermes, de la terre entretenue, de l’horizon maritime qui ne se piquait d’aucune voile noire pour l’instant : l’action de la famille et le maintien de son lopin parlait pour lui. Et en hommage à l’Aïeul et sa sagesse, le reste de la famille s’était tu et le débat s’était ainsi conclu.

Le jour ne déclinait pas encore et s’il aurait plausiblement plu à la prêtresse de reprendre la route, la novice étirait un peu le temps (à son grand dam), se plaisant à échanger avec les siens, et même se prenant de narrer une histoire qu’ils connaissaient pratiquement tous par cœur. L’une de ces épopées qui faisait rêver les membres de la famille, qu’elle fusse réelle ou un simple mythe.

« Au temps jadis, sur Hytheryl, quand le vieux continent était encore lieu où il faisait bon vivre, les Sept décidèrent de marcher parmi les hommes pour trouver un champion de chacun de leurs aspects. À une mère de famille dévouée, qui avait mis au monde vingt enfants et qui veillait scrupuleusement à leur éducation malgré son indigence, les Sept remirent le fer de lance de la Mère. Fait d’un métal méconnu jusqu’alors, l’objet d’une valeur inouïe donna la richesse nécessaire à la femme pour nourrir sa famille sur des générations. Elle arma cette mère de famille pour repousser l’adversité et toute chose qui pourrait nuire à ceux qu’elle avait enfanté. Les Sept firent valoir ainsi que la richesse véritable était la générosité pour les siens. À un juriste accompli qui venait de rendre une épineuse décision et qui avait pour cela échoué en prison, ayant pris la défense de petits face à un grand seigneur qui avait perdu la moralité et la foi, les Sept remirent les clefs du Père, dédiées à ouvrir toutes les portes : tant des geôles qui le retenaient que celles de l’au-delà. Le divin fit valoir que le justicier véritable est pourvu de l’absolue liberté, celle que lui accorde la raison comme le libre-arbitre. À un acète érudit, infirme et reclus, les Sept remirent le bâton de l’Aïeul. Grâce à ce bâton, l’acète put se soutenir, se relever, et marcher, puis répandre sa sagesse accumulée chemin faisant. Ainsi le divin fit savoir que la sagesse n’était rien si elle n’était pas propagée. À une demoiselle pauvre et sans avenir qui était d’une rare beauté, les Sept remirent un collier appartenant à la Fille. De cette chaîne sa destinée se trouva liée à celle d’une autrement plus opulente et honorable lignée, et fut dit que de l’amour qu’elle provoqua fit naître l’une des plus nobles et vaillantes familles du vieux continent. Les Sept ainsi prouvèrent que de l’amour sait naître le grandiose et que sa force transcende les conditions pour redéfinir les destinées, pour peu qu’il soit partagé par des gens de valeur.

À l’un des plus braves soldats des armées de sa Majesté, les Sept remirent le pavois du Fils, voué à servir de rempart contre les forces contraires à la Vraie Foi. L’on dit que seul un véritable croyant pouvait le porter et que des impies qui tentèrent de s’emparer, il emporta le bras. Les Sept illustrèrent ainsi que la bravoure et la force s’illustrent d’abord et avant tout dans la moralité et la conviction. À un artisan éminent, le burin de l’Oncle fut remis. L’on dit que c’est de ce burin que le planches des premières nefs furent sculptées. Les Sept illustrèrent ainsi que l’accomplissement véritable revenait aux pionniers. Puis enfin, en terre impie d’un continent lointain, que nous foulons peut-être ce jour d’hui, les Sept laissèrent l’épée de l’Étranger. Instrument absolu de mort, au risque de trouver sa place en des mains d’ennemis, elle est une mise en garde aux bons croyants qui se devront de la chercher, de la retrouver : car le pouvoir de semer la mort et la dévastation est entre toutes les mains, mais les Sept ont pour désir que ses fidèles ne le manient que justement et épargnent ses dévots. Ceux qui retrouveront cet artefact, dit-on, pourront mettre fin aux morts vaines et aux dévastations impies. En ce bas-monde se retrouvent encore les artefacts des Sept. Seuls peuvent réellement en user que ceux qui comprennent la Voie des Sept, et son message sacré. Il ne leur reste désormais qu’à les retrouver. »


L’histoire en amena d’autres, l’ordinaire de la famille fermière prenant une allure épique tandis que les accomplissements badins étaient contés sur un ton grandiose. La foi se voulait aussi source d’inspiration. Elle semait la graine de rêves pour les petites gens qui voulaient bien croire que la probité, la moralité et la fidélité aux Sept serait garants d’un ordinaire meilleur. L’on ne vit la nuit tomber que trop tard. Au dam de la prêtresse et à la joie de l’adolescente, l’hospitalité dut s’étendre jusqu’au jour suivant.

Au lendemain, la prêtresse des Sept et son apprentie s’en furent, vers d’autres terres, d’autres doléances campagnardes, d’autres bénédictions terriennes. La première et la seconde espérant la même chose : recommander que la novice Sydonia Strauss reprenne cette charge, d’ici quelques années.

Par le récit et l’action, plusieurs avaient semé la graine de leur destinée en ce jour-là. Bien assez tôt viendrait le temps des moissons.
Sydonia Strauss
Sydonia Strauss


Messages : 223
Date d'inscription : 21/09/2021


Sept histoires pour un nom à Sept lettres Empty
MessageSujet: Re: Sept histoires pour un nom à Sept lettres Sept histoires pour un nom à Sept lettres EmptyVen 1 Oct - 20:33
Le Pouvoir des Mots
Paroles énoncées sont comme graines semées, dont on récolte fruit en son temps.


Sept histoires pour un nom à Sept lettres Temple10

Dans les halls emplis des odeurs d’encens du grand temple, deux novices débattaient d’une voix feutrée, vouée à ne guère rompre la solennité de l’endroit. Le regard du garçon était statique, fixé au-devant sur les vitraux représentant l’immense étoile à sept branches, une ode aux Sept si tant qu’il en est une. La jeune fille, elle, volubile, raccrochait son regard aux choses des alentours. La proximité d’une jeune fille et d’un jeune homme aurait pu faire jaser, mais leurs atours adornés de bleu donnent à la scène une apparence de neutralité, et d’innocence. Novices du Saint-Clergé, lettrés, tout semblait les rassembler et pourtant, ils ne sauraient être plus différents. De la foi, leur échange se porta vers la politique : ces deux choses marchent main dans la main et nombre sont ceux à le savoir. Le verbe haut et agile, le garçon évoqua l’alliance des Hermett à la lignée australe des Anfer. La novice Sydonia Strauss, elle, eut un vague sourire en arrêtant son regard sur la sculpture représentant l’Étranger au visage mortifère dans le sanctuaire des Sept. Des lèvres de la jouvencelle, jeune et fraîche, vinrent des mots que l’on n’aurait pas attendus : « Anfer, quel nom seyant à bien y penser car celle qui en porta le nom sait sans doute à cette heure s’y trouver, aux Enfers. Sur la famille impériale, l’Étranger laissa sa marque, et de son court passage il laissa larmes de chagrin et l’odeur âcre de la mort et de ses amertumes en son sillon. Plaise aux Sept que la Mère succède à l’Étranger au bras de sa Majesté. » Le novice demeura silencieux, devant méditer l’idée. Pour la vaste parenté de Sydonia Strauss, les triomphes étaient plus bruyants pour être martiaux. Mais les siens se livraient dans les murmures et les odeurs d’encens.

Une voix plus sonore trancha le silence méditatif qu’ils partageaient.

« Novice Strauss »

C’était une voix neutre, mais sans appel. Souvent, pour les novices, présage de remontrances à venir. Le prêtre, pour être leur supérieur hiérarchique à deux échelons, incarnait tant le Jugement du Père que la Sagesse de l’Aieul.

Les deux novices s’échangèrent un regard. Et une tonne de non-dits. L’interrogation était venue la première. Puis, pour le novice un éclat de joie vengeresse, qui avait rembruni la première. Enfin, Sydonia s’était levée et sans un mot, elle avait emboité le pas du prêtre.

« Est-ce de vous? »

Avait-il soufflé, désignant un rouleau de parchemin relativement épais. C’était un document que la novice avait compilé à temps perdu, pour guider d’autres novices comme elle, sur des tortueux sentiers qu’étaient ceux des vertus et de la foi. Elle éleva les yeux, toujours dans le silence, et hocha en attendant le soufflet de la critique. Qui ne vint pas.

« Il aura sa place en nos archives. »

Elle avait cligné des yeux par deux fois, laissée pantoise, prise de court cette fois par des propos qu’elle n’attendait pas.

« Allez méditer sur les vœux que vous ferez lors de votre assermentation, nonne Strauss. »

Elle qui s’était relevée, dut se retenir à la chaise pour ne pas choir à cause de sa stupeur. Un pas de plus avait été fait sur le chemin qui était pour elle tracé, un premier, peut-être maladroit et opéré avec la fougue guillerette de la jeunesse.

Parti, était le flegme qu’elle devait afficher et elle se précipita tant vers la porte qu’elle aurait aussi bien pu se téléporter devant son arche. Le prêtre interrompit l’élan de la jouvencelle qui venait de faire voler la porte grande ouverte en son empressement.

« Ho et, je compte sur vous pour prendre en charge quelques activités et initiatives, ce nouveau rang l’imposant. »

Il est des paroles qui marquent l’histoire, tant en bien qu’en mal. Des paroles dont la réminiscence cause la fierté pour avoir prédit les meilleurs des auspices, ou cause d’ardents et amers regrets toute la vie durant. Le clerc, déjà retourné à ses lectures, pesait-il bien le poids de ses paroles? Ironiquement, le nez tourné vers la page couverte de glyphe, le prêtre étudiait les mots de pouvoir. Savait-il, que le concept de mot de pouvoir était pléonasme, et que chaque parole se charge d’un pouvoir qui lui était propre? Clairement, il ne s’en était pas douté.

Et visiblement… il n’avait pas pleinement mesuré le pouvoir des mots qu’il venait de proférer.

Sur les babillards publics, une surprise, ou deux, l'attendraient.


***


Devant son compagnon du moment, que le débat seul avait opposé, ainsi que devant ce prêtre qui l’avait ordonnée nonne entre deux paragraphes de ses lectures, la jouvencelle prit la parole. Au-devant d’elle, le vitrail de l’étoile à Sept Branche luisait de mille feux, réverbérant ses rouges et sa lumière sur le pavé du Grand Temple.

Devant cette dentelle de verre, elle médita un moment, ses yeux rivés sur la représentation de l’astre qui unissait cette part en une seule, leur dieu, les Sept.

Qui était-elle?

Elle était une Strauss, la dernière née de la branche ainée, les Strauss Blancs, en opposition des fils de la branche cadette, les Strauss Rouges. La rosace de verre reflétait cette dualité complémentaire aussi bien que sa famille, dont la chevelure distinguait l’une et l’autre des branches.

Elle était une fille du Piémont, poussée sur les terres sur lesquelles le présent Empereur régnait en Roi. Des terres qui avaient bu, et boiraient encore du sang, une terre que certains conquérants imaginaient avec nostalgie pour avoir été siège de la capitale en temps plus glorieux. Elle était enfant de ces terres les plus fécondes de l’Empire, et la prodigalité des ventres de sa famille faisait écho à l’abondance terrienne.

Elle était Fille, avant toute chose, dont la pureté avait été délibérément préservée. Tenue loin des affres du conflit et de la misère campagnarde par son Père, ses frères, sa sœur, et ses autres parents. Fille au sein d’une famille, dépendante de Pères, de Fils, d’un Aieul, d’une Mère, et d’Oncles. Elle vivait la complémentarité des Sept à travers l’extension de son sang, comprenait la plénitude que la famille apportait. Un jour peut-être deviendrait-elle Mère, Tante, Aieule, peut-être pourrait-elle faire la Justice du Père… Qui savait. Mais, au-delà de l’innocence et de la pureté de la Fille, elle tenait un peu aussi de l’Étranger. Elle était celle qui, venant au monde avait fait trépasser sa Mère, et son premier geste avait été semer la mort. Elle était celle que son père aimait mais tenait loin, pour les douleurs que sa simple existence pouvait seulement éveiller.

Ainsi, en sa méditation elle décida : ses vœux feraient d’elle un être complet, la rapprocheraient des Sept.

« Au-devant des Sept, je formule Sept vœux.
Qui marquent mon entrée en religion en acte pieux.

Ainsi que l’Aieul dispense sa sagesse.
Je produise cent livres d’une foi qui se professe.

Ainsi que le Père qui est juste et droit.
Je veillerai à ce qu’éléments de foi intègrent la Loi.

Ainsi que la Mère qui sait donner la vie.
J’aiderai l’accouchée lorsque miracle se produit.

Ainsi que la Fille d’une pureté totale.
D’un lieu maudit et impie je purgerai le mal.

Ainsi que le Fils vaillant et fier.
Le sang démoniaque je verserai par le fer.

Ainsi que l’Oncle génial et grandiose.
Je saurai créer une œuvre pieuse qui s’impose.

Ainsi que l’Étranger j’avancerai sans crainte.
Bravant affres et mort, protégée d’une Foi sans feinte. »


Dans le temple, le silence plana, longuement. Les vœux étaient faits, et pour la nonne, il ne restait plus qu’à les respecter.
Sydonia Strauss
Sydonia Strauss


Messages : 223
Date d'inscription : 21/09/2021


Sept histoires pour un nom à Sept lettres Empty
MessageSujet: Re: Sept histoires pour un nom à Sept lettres Sept histoires pour un nom à Sept lettres Empty
Contenu sponsorisé




Sept histoires pour un nom à Sept lettres Empty
 
Sept histoires pour un nom à Sept lettres
Revenir en haut 
Page 1 sur 1