Missive adressée à Ines de Valakyr

Citation :

Très chère Dame, Ines de Valakyr,

Sous la recommandation, et l'amitié de son Excellence Dame d'Astrée, j'aimerais quérir vos service, ainsi que votre présence pour le nouveau spectacle de la troupe de l'Augure. Votre féminité, votre grâce, votre éducation, seront un atout précieux pour le spectacle.
Comment envisagez vous notre collaboration?

Pourriez vous Accueillir? Briller? Offrir douce musique durant le spectacle?

Son excellence ne me l'a pas précisée, semblant surement que vous choisissiez la place qui vous sied le mieux.

De ce fait je serais ravie de vous lire, et de vous compter parmi nous.

Sisnithe,
Directrice de l'Augure,
Au nom de son Excellence Dame d'Astrée.

Depuis plusieurs jours déjà, les allées-venues de la toute jeune Valakyr semblaient si difficile à prévoir, que même les messagères, qui lui ressemblant comme deux gouttes d’eau et qui ont habitude à trouver n’importe qui dans un temps record, avaient du mal. Pendant que l’une se dirigeait en direction du Refuge pour y zieuter de partout, l’autre s’en était plutôt allée vers le Creusoir en sautillant pour voir au-dessus des rambardes, tandis qu’une autre encore, avait eu le malheur de tirer la plus courte tige, celle qui l’amenait à Samarach – Et toutes trois savaient que si la jeune Demoiselle se trouvait à Samarach, ce n’était certainement pas dans la Citée qu’elles allaient la trouvée…

C’est ainsi qu’après sueur et malin, la pauvre trouva cette toute jeune femme à la peau la plus blanche qui, avouons-le, l’avait probablement aidé dans sa recherche au-delà des dunes foncées. Alors que son pas s’avançait et s’embûchait dans le sable, la messagère aux allures d’une ancienne Inès habillée poisseusement avait trouvé la ligne rouge sur la carte, invisible et doucereuse aux oreilles…

En une douce mélodie, celle d’une flûte retentissait avec un élan de mélancolie, se promenant à travers les bourrasques d’un vent qui ne demandait qu’à s’exprimer, avant la tempête de sable prochaine. Et les mots, à mesure se découvraient petits à petits, au grand bonheur de cette fausse Inès.

Hier, j’ai vu passer, comme une ombre qu’on plaint,
En un grand désert obscur, une femme voilée :
Funèbre et singulière, elle s’en est allée,
Recélant sa fierté sous son masque opalin.

Et rien que d’un regard, par ce soir cristallin,
J’eus deviné bientôt sa douleur refoulée ;
Puis elle disparut en quelque noire allée,
Propice au deuil profond dont son cœur était plein.

Ma jeunesse est pareille à la pauvre passante ;
Beaucoup la croiseront ici-bas dans la sente,
Où la vie à la tombe âprement nous conduit ;

Tous la verront passer, feuille sèche à la brise
Qui tourbillonne, tombe et se fane en la nuit,
Mais nul ne l’aimera, nul ne l’aura comprise.

Aussitôt les deux paires d’yeux croisées, l’une se serait jetée sur l’autre afin de lui vider une gourde d’eau et sur le corps, et dans le corps. Après, et seulement une fois la stabilité de l’état de cette messagère sécurisée, la réelle Inès Valakyr aurait pris la missive amenée, en posant sa flûte à côté. Dans un sourire redevable, elle aurait attendu un long, très long moment avant de commencer une réponse. D’une certaine façon, on l’aurait cru à humer les mots écrit dans les airs, afin de s’en habiller toute entière, et enfin…

Citation :

Toute aussi chère Sisnithe, sinon plus,

Vous me demandez de réagir à une collaboration ; alors que je n’ai que vos mots pour peser les pours et les contres.
Ah la bonheur – je crois qu’à n’avoir que ceci pour me faire juge, je vois donc cette collaboration d’un bon œil, d’un œil flatté ainsi que d’un œil redevable autant envers cette Dame d’Astrée qu'envers vous-même.

Cueillir est l’un de mes métiers, je suis persuadé que de n’ajouter que deux lettres devant le mot, ne devrait nuire d’aucune façon. Drôlerie mis à part, la brillance de la mélodie saura jouer d’elle-même en cette soirée. Je serais plus qu’heureuse de rehausser votre organisation par une mélodie suivant chaque changement de routine.

Dites m’en plus, je vous en serais grée afin que je puisse déjà imaginer de ces chansons toute en harmonie à la situation, ainsi qu’à l’endroit.

D’ailleurs, vous me dites que je me dois de choisir l’endroit? Allons, je n’en aurai pas l’audace – et ce serait de mauvais Augure.
À moins bien sûr que vous dites ça, à titre de spectacle privé afin de juger de ma prestation ?

Vous pouvez déjà me compter parmi vous,
Gentiment,

Inès Valakyr

Spoiler:

Dans les noirceurs des étages inférieurs du théâtre, une Ombre reçut une missive.

Celle ci arriva en même temps qu'une modeste cruche d'eau. La nouvelle directrice semblait jeuner son ancienne existence, ses traits avaient changés. Ses deux orbites semblaient vides, aussi, l'intendante du théâtre lui fit lecture.

Alors que les mots volaient dans la pièce, Sisnithe laissa échapper une expression ravie à ces mots remplis de légèreté, semblant peser chaque son, chaque mot, comme une musique...

Posant ses yeux vidés sur un parchemin vierge, elle tendit la plume vers l'intendante zelée qui s'empressa de suivre sa dictée :

Citation :

Très chère Ines,

J'entends déjà votre Grand Art de toucher des coeurs, même au sein de roche des plus noires. En ce jour, vos mots sont une précieuse lumière et révélateurs de qui vous êtes, de ce que vous avez déjà appris. Je ne peux que saluer l'être et le savoir être.
Je n'ose croire que votre musique est aussi douce, car elle atteindrait un sommet de bonheur, et je risquerais d'en perdre ma concentration légendaire pour m'y perdre.

Je vous souhaite parmi nous ce soir, avec votre musique. Pourquoi pas écrire quelques textes, un pour l'ouverture, et un pour la conclusion?

Ce spectacle est alchimie, se déroulera en trois acte.
Il narre l'unification des peuples, forces contraires devenant culture unie que nous incarnons aujourd'hui. Il commencera par l'oeuvre au noir : symbole de la décomposition de la matière. Il narrera les peurs, la séparation, l'errance, le Pellerin qui se doit se peler peau après peau pour recomposer son être. La danse sera de Plomb, décomposera les mouvements et les Ombres, permettant le renouveau, et l'oeuvre au blanc, capable de refléter enfin la lumière.

Acte 2 : l'oeuvre au blanc. Il sera l'unification de cette matière nouvellement purifiée. Le Khazar vient embrasser le royaume, les idées naissent, comme les grands concepts, la paix et l'harmonie. Cette danse sera le soleil qui épouse la paix, qui viendra capter la lumière, qui permettra la naissance de l'oeuvre au rouge. Mouvement fluide et léger, comme les oiseaux, et leur langue pleine de finesse et de subtilité. Esprit, vent, air, envol, lumière : voici les thèmes.

Acte 3 : Le rouge. Il sera la renaissance, comme le phénix qui peut enfin renaitre de ses cendres, ainsi le royaume qui nait de ce mariage entre le sel, le souffre, et le mercure. L'esprit pur nait de ce mariage dans le creuset. Le mariage a pu se faire, aussi pur et calme soit il, il permet la flamme de naître et de vivre. Cet acte sera naissance.

Qu'en pensez vous? Saurez vous jouer la musique de la vie?

Quant à cueillir, ou accueillir, je vous propose d'accueillir lors du repas dinatoire de fin de spectacle, d'offrir l'échange autour de la philosophie de ce spectacle. Tout en restant en nuances, sans vexer, offrir le meilleur pour chaque esprit, tout en subtilité. Je sens que vous en avez le verbe et la capacité, avec celle de faire briller notre Art, notre Culture, avec son Excellence Dame d'Astre qui introduira, fera transition, que nous ferons briller par les Arts qu'elle a enfanté si bas.

Avec toute ma grâce, et ma bienveillance,

Sisnithe.